Les dysfonctionnements de distribution du courrier Ă La Poste, qui ont touchĂ© particuliĂšrement la Nouvelle-Aquitaine et, plus spĂ©cifiquement, les secteurs de MonsĂ©gur et Sauveterre-de-Guyenne, ont Ă©tĂ© au cĆur des discussions rĂ©centes entre les dĂ©lĂ©guĂ©s rĂ©gionaux de La Poste et les reprĂ©sentants locaux. En toile de fond de cette situation, plusieurs dĂ©fis sont mis en Ă©vidence, allant des difficultĂ©s internes liĂ©es aux effectifs, aux hausses imprĂ©vues de la charge de travail, et Ă l’Ă©volution du secteur postal en pleine transformation.
Une hausse du volume de courrier mal anticipée
Les mois de novembre et dĂ©cembre ont vu un afflux important de colis et de courriers, notamment liĂ©s au Black Friday et aux fĂȘtes de fin d’annĂ©e. Bien que la hausse ait Ă©tĂ© anticipĂ©e grĂące Ă des systĂšmes de gestion prĂ©visionnelle basĂ©s sur lâintelligence artificielle, celle-ci s’est avĂ©rĂ©e plus consĂ©quente que prĂ©vue. Les absences imprĂ©vues, notamment dues Ă une Ă©pidĂ©mie de grippe, ont aggravĂ© la situation, rendant difficile la gestion de ces pics de flux.
Sur la plateforme industrielle de courrier (PIC) de Cestas, qui traite jusquâĂ 1,5 million de plis par jour, les difficultĂ©s se sont concentrĂ©es sur le courrier non mĂ©canisable, souvent de gros formats, qui nĂ©cessite un tri manuel. Le manque de personnel qualifiĂ© dans ce domaine, combinĂ© Ă un afflux massif de colis, a conduit Ă des retards importants dans la distribution, notamment des lettres manuelles.
Les causes de la surcharge et lâoptimisation des processus
La situation est exacerbĂ©e par un manque rĂ©current de personnel. Ă Cestas la mauvaise anticipation a abouti Ă rĂ©gler les difficultĂ©s de tri trĂšs tardivement, par le recours Ă des intĂ©rimaires en janvier ayant permis dâajouter environ 175 heures de travail de tri par jour.
Dans le cadre de la rĂ©organisation de La Poste, une prioritĂ© a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă l’optimisation des flux de travail, avec notamment la centralisation des plateformes et le recours aux machines pour trier une majoritĂ© de courrier. Cela a permis dâamĂ©liorer lâefficacitĂ© des Ă©quipes, mais nâa pas pu compenser les manques de main-d’Ćuvre dans les secteurs plus spĂ©cialisĂ©s comme le tri des colis et du courrier non mĂ©canisable.
Les enjeux humains et sociaux
La situation sâest Ă©galement aggravĂ©e par des tensions internes liĂ©es Ă des conditions de travail difficiles. Les Ă©quipes ont Ă©voquĂ© un climat de travail de plus en plus pressurisĂ©, les effectifs Ă©tant souvent insuffisants pour gĂ©rer la charge de travail. Cette pression constante engendre une dĂ©motivation croissante, exacerbĂ©e par des salaires jugĂ©s insuffisants et des possibilitĂ©s limitĂ©es de tĂ©lĂ©travail, rendant certains postes moins attractifs. Le turnover est ainsi Ă©levĂ©, et des efforts sont nĂ©cessaires pour rĂ©engager les agents et amĂ©liorer les conditions de travail.
La gestion des risques psycho-sociaux et le bien-ĂȘtre des agents ont Ă©tĂ© des sujets importants de discussion. Un « baromĂštre de lâengagement » est utilisĂ© pour Ă©valuer lâefficacitĂ© des actions internes, mais il reste encore des progrĂšs Ă faire pour amĂ©liorer la situation. De plus, la fermeture de certains centres de tri, comme celui de Poitiers, a exacerbĂ© la pression sur les Ă©quipes maintenues et les problĂ©matiques de rĂ©intĂ©gration de personnel.
La réorganisation du secteur postal et ses effets sur la ruralité
Dans la ruralitĂ©, des dĂ©fis spĂ©cifiques apparaissent, notamment Ă Sauveterre-de-Guyenne, oĂč des mesures de sĂ©curitĂ© liĂ©es aux travaux en cours ont contraint La Poste Ă adopter des solutions de distribution alternatives. Un systĂšme de mise Ă disposition du courrier au bureau de poste a Ă©tĂ© mis en place, mais des personnes ĂągĂ©es ou Ă mobilitĂ© rĂ©duite ont dĂ» faire face Ă des difficultĂ©s d’accĂšs. Ce type de situation met en lumiĂšre lâimportance de maintenir une proximitĂ© avec les usagers tout en adaptant les solutions Ă la rĂ©alitĂ© des territoires.
Des solutions et demandes pour l’avenir
Dans ce contexte, plusieurs demandes ont été formulées par les représentants syndicaux et les délégués régionaux :
Du cÎté des délégués régionaux de La Poste :
Un financement plus Ă©quitable des missions de service public de La Poste, notamment pour la distribution de la presse, qui entraĂźne un dĂ©ficit de prĂšs de 500 millions d’euros par an. Ils appellent Ă©galement Ă lâouverture de nouveaux marchĂ©s pour permettre Ă La Poste de se rĂ©inventer, en sâinspirant par exemple des pratiques observĂ©es en Espagne, oĂč La Poste a un rĂŽle important dans les dĂ©marches administratives des citoyens.
Les dĂ©lĂ©guĂ©s ont aussi soulignĂ© lâurgence de rĂ©former le modĂšle de distribution, avec des expĂ©rimentations menĂ©es sur de nouveaux horaires dâouverture des bureaux postaux. MalgrĂ© ces efforts, la baisse des frĂ©quentations des bureaux reste visiblement une tendance inexorable, poussant La Poste Ă se rĂ©inventer pour rester compĂ©titive dans un monde oĂč le numĂ©rique prend de plus en plus de place.
Du cÎté des représentants syndicaux :
Les syndicats dĂ©noncent Ă©galement la rĂ©duction drastique des moyens syndicaux, divisĂ©s par dix aprĂšs la centralisation des plateformes courrier sous un seul Ă©tablissement, ce qui complexifie la dĂ©fense des salariĂ©s. La CGT et SUD soulignent la difficultĂ© d’obtenir des expertises indĂ©pendantes sur les conditions de travail et le suivi mĂ©dical des agents.
Une autre revendication clĂ© concerne la rĂ©intĂ©gration des intĂ©rimaires. L’arrĂȘt soudain du recours Ă lâintĂ©rim a aggravĂ© la surcharge des Ă©quipes, alors que l’embauche temporaire de 25 intĂ©rimaires sur 10 jours avait permis dâajouter 175 heures de tri quotidien. Aujourdâhui, avec en moyenne seulement 140 heures de tri par jour, les agents doivent soulever entre 7 et 9 tonnes de courrier quotidiennement, dans un travail pĂ©nible et cadencĂ©.
Les syndicats demandent Ă©galement une anticipation des besoins en personnel, Ă lâimage de la plateforme de Cadaujac qui recrute en amont des pics dâactivitĂ©. Ils dĂ©noncent par ailleurs la fermeture du centre de tri de Poitiers, qui sâest faite sans anticipation, aggravant les difficultĂ©s de gestion du courrier non mĂ©canisable.
Enfin, ils alertent sur les bas salaires des facteurs, jugĂ©s insuffisants pour attirer et fidĂ©liser du personnel, et dĂ©noncent une pression accrue sur les agents, impactant lâambiance de travail et la motivation.
MalgrĂ© les bĂ©nĂ©fices du groupe La Poste (1,2 milliard dâeuros en 2024), la branche courrier affiche un dĂ©ficit dâun milliard dâeuros. Les syndicats rĂ©clament donc un rĂ©investissement des profits issus de la Banque Postale, du colis et de la finance dans le service public postal afin dâassurer des conditions de travail dĂ©centes et un service de qualitĂ© pour les usagers.
Conclusion
La situation Ă La Poste, notamment dans la circonscription de MonsĂ©gur et Sauveterre-de-Guyenne, reflĂšte des problĂ©matiques complexes liĂ©es Ă une rĂ©organisation en profondeur et des difficultĂ©s dâadaptation aux nouveaux dĂ©fis du secteur. Le dĂ©ficit de moyens et le manque de personnel sont des rĂ©alitĂ©s bien rĂ©elles qui impactent la qualitĂ© du service public, notamment dans les zones rurales. Toutefois, des solutions et des ajustements sont envisagĂ©s pour amĂ©liorer la situation et garantir la continuitĂ© du service public, tout en rĂ©pondant aux besoins croissants des usagers.
Des discussions restent ouvertes pour mieux comprendre l’Ă©volution des effectifs, les conditions de travail, ainsi que lâimpact des rĂ©formes mises en place dans le cadre de la modernisation de La Poste. L’objectif est clair : amĂ©liorer la qualitĂ© du service tout en conciliant efficacitĂ© et proximitĂ©, des enjeux cruciaux pour nos territoires.