Nous avons le privilège, j’ai le privilège de vivre dans un pays en paix, j’ai le privilège de ne pas être ici et maintenant la mère, la femme, la fille de morts contemporains. J’ai le privilège de vivre dans un pays qui a édifié, il y a plus d’un siècle, des monuments à la mémoire des morts que nous honorons aujourd’hui, qui nous donnent le temps et l’espace de regarder les guerres à bonne distance, avec toute la nuance qui convient, pour éviter celles de demain.
Ces privilèges nous obligent.
Nous devons en toutes circonstances choisir le camp de la paix.
Et je ne voudrais pas seulement commémorer aujourd’hui, car se rappeler ne suffit pas, il faut chercher à comprendre en regardant l’histoire. La haine contre les boches était-elle la véritable cause de la guerre de 14 ? nous savons tous que non, et nos amis allemands le savent aussi. La haine entre les peuples n’est pas la vraie cause des conflits, elle sert de paravent pour masquer les raisons profondes des agressions. Le moteur des guerres, c’est la nécessité, pour assouvir la soif d’enrichissement, de s’accaparer des ressources au-delà de ses frontières et notamment le pétrole et les terres. En 1914, le capitalisme est en crise et c’est sa logique interne de développement infini, qui pousse les impérialismes à attaquer pour chercher des ressources ailleurs.
Et c’est tragiquement ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux en Ukraine et au Proche Orient. On nous vend des guerres de civilisation, mais ce sont des guerres qui s’enracinent dans des intérêts économiques dans lesquels beaucoup de puissances occidentales sont impliquées.
La France doit dire qu’elle n’est pas d’accord avec ces massacres de masse. Le camp de la paix a besoin d’être porté par une voix politique et celle de la France peut compter.
La France doit accompagner tous les partisans de la paix, comme les 35 000 femmes, Israéliennes et Palestiniennes rassemblées dans le mouvement women wage peace, qui ont manifesté ensemble avant l’embrasement du 7 octobre, et qui poursuivent leurs actions, pour encourager leurs peuples à se connaître, à lever les barrières de peur et de méfiance réciproques et briser les cercles mortifères de haine et de vengeance. La voix de ces femmes qui sont capables de défendre la paix par-delà le deuil est un exemple, un espoir. Il est impératif de les intégrer pleinement dans les processus de résolution des conflits car elles sauront mieux que d’autres défendre le pacifisme contre les intérêts et la folie de domination du capitalisme.
Mesdames et messieurs, l’humanité a besoin de la paix pour affronter le réchauffement de notre planète et les bouleversements qui en résultent. Il y a urgence à retrouver la raison pour éviter les guerres que le capitalisme va produire par les dérèglements climatiques qu’il a lui-même causés. Cette prédation sur les ressources naturelles, cette frénésie de la croissance infinie, cette consommation à outrance ont bouleversé le fragile équilibre propice à la vie sur terre et nous le savons tous, nous aurons affaire à des guerres climatiques.
Pour y faire face, il est illusoire de vouloir protéger ses frontières, il faudra partager. S’il y a conflit pour la terre, pour l’eau, pour les matières premières, il faudra les partager. Il faudra mettre en commun nos efforts, nos intelligences, nos ressources humaines car de nombreux scientifiques l’ont montré à toutes les échelles du vivant : l’entraide est le véritable moteur de l’évolution, quand la compétition est le moteur de la destruction. Il est temps de changer les lois de l’argent, ce sont celles du vieux monde, du monde du patriarcat et de la domination, cherchons le véritable progrès qui est celui de l’intérêt général humain, de l’harmonie et du vivre ensemble.